La Résistance

Dès 1940, Paul Roitman crée à Toulouse un cercle d’études juives, qui formera le noyau du premier réseau de Résistance Juive, l’AJ (Armée Juive). Jusqu'en décembre 1942, à Toulouse et dans sa région, il aide à des évasions des camps du Récébédou et de Noé. Les 26 et 27 août 1942, il organise le planquage de plus de 250 Juifs échappés aux rafles d’Aulus-les-Bains et de Lacaune, et réfugiés dans la synagogue de Toulouse. Il sera arrêté par les Allemands au cours de l’une de ces missions.

Création de l'Armée Juive (1940)

En octobre 38, Paul Roitman commence des études de médecine à Nancy qu’il poursuivra, la guerre ayant éclaté, à Bordeaux puis à Toulouse. Là où il se trouve, malgré les circonstances difficiles, il sent de son devoir de s’occuper de la jeunesse et de renforcer la vie communautaire. Ainsi, à Bordeaux, il regroupe les jeunes et essaye de leur donner une éducation religieuse. Parallèlement, il crée un cercle d’études juives pour adultes. Il continue en ce sens à Toulouse où il arrive en juin 40, fuyant l’avance des Allemands.

Peu après, le rabbin Cassorla lui confie la direction de l’instruction religieuse, et, de manière plus générale, la responsabilité de la toute la jeunesse, dans cette communauté de Toulouse grossie par le flot de réfugiés venus du Nord et de l’Est de la France.

Allumage des flambeaux - Yad Vashem 1993

En 1940, essayant de faire face à la tourmente où tout branle et où sont remises en question toutes les valeurs morales, il crée avec David Knout un cercle d’études d’où vont sortir les principaux cadres de la Résistance Juive (A.J.). C’est là qu’il entraîne, parmi d’autres, son nouvel ami Claude Vigée, « le type même du juif assimilé », selon ses propres dires, réveillé par l’antisémitisme de Vichy. Claude Vigée parlera dans son livre La lune d’hiver de cette rencontre et de l’influence qu’elle a eue sur le cours de sa vie.


Extraits du livre La lune d'hiver de Claude Vigée

"Le soir de la fête de Sim'hath Tora 1940 j'avais été attiré par la vieille synagogue de la rue Palaprat, à la porte flanquée de deux colonnes de grès basses et trapues. Je cherchais à y entrer malgré la grande presse, afin de prendre contact avec des Juifs fugitifs, malheureux et persécutés comme moi. Un jeune homme maigre coiffé d'un béret basque me héla sur le trottoir : c'était Paul Roitman. Je lui expliquai que j'étais un Juif assimilé issu d'une famille israélite établie en France depuis de nombreuses générations. Il m'emmena à la synagogue, m'apprit qu'il était comme moi carabin de première année, et m'expliqua que le judaïsme n'était pas mort. C'est lui qui m'introduisit un peu plus tard auprès de David Knout et de son cercle. Dès son arrivée à Toulouse, après la débâcle de juin 40, Roitman avait reconstitué dans cette ville de refuge son groupe de jeunesse religieuse juive, Brith Ha-Noar Hamizrahi. Près de la moitié des premiers cadres de notre Cercle d'études et de l'A.J. de Toulouse fut ainsi composée d'anciens de la Jeunesse Mizrahiste."

Après avoir lancé avec ses jeunes une opération d’aide sociale et de de visites au camp d’internement de Récébédou, près de Toulouse, il organise un séminaire où il les prépare au travail de Résistance proprement dit, devenu très urgent.

Durant cette période (1941), on lui signale, à Aspet, en Haute-Garonne, la présence d'une cinquantaine d'orphelins allemands dont les parents ont eté déportés. Il leur rend visite. Bouleversé par leur détresse physique et morale, il organise des secours avec la collaboration de la communauté juive de Toulouse. Il cache chez lui, dans sa petite chambre d'étudiant, trois enfants en âge de faire la Bar-Mitsva, et les prépare jour et nuit, leur inculquant les principes de base du judaisme. Une cérémonie clandestine est rapidement organisée. 40 ans plus tard, Paul Roitman retrouvera deux de ces enfants en Israël.

Arrestation et incarcération

En décembre 1942, Paul Roitman est arrêté par les S.S. et incarcéré au Fort du Hâ, près de Bordeaux, puis transféré au camp d’internement de Mérignac. Plutôt que de se laisser aller au désespoir, dans les nuits sans lumière de la prison allemande, il remonte le moral à ses compagnons d’infortune, et improvise pour eux, de mémoire, des cours de Bible et d’histoire juive. Il organise un office du vendredi soir où il doit à lui seul assurer toutes les fonctions, mais d’où la prière s’élève avec ferveur. Ne transigeant pas sur la cacherout, il se prive de ses portions de nourriture qu’il distribue autour de lui.

"Un avis paru dans le Journal des Communautés m'annonce le décès de César Chamay, l'un de mes anciens compagnons du Fort du Hâ. C'est là que nous nous sommes rencontrés, lui et moi, 14 Juifs en tout, entassés dans une petite cellule, qui avions été arrêtés par les Allemands en différents points de la frontière espagnole. Le traitement qu'on nous faisait subir n'était pas des plus doux. Pour toute nourriture, un peu de pain, de l'eau et une maigre soupe. Mais c'étaient surtout les soirées qui étaient très longues [...]. Pourtant, chacun essayait de garder le moral: pour passer le temps nous discutions entre nous et cherchions des idées de divertissement. Un tel proposait d'apprendre des langues étrangères, l'espagnol ou l'anglais, tel autre racontait des histoires. J'avais, quant à moi, proposé de donner un cours d'histoire juive. Le vendredi soir, j'organisai un office. Nous n'avions rien. Les Allemands m'avaient pris jusqu'à mes tefilin, rien, pas même un livre de prières [...]. J'ai commencé à faire l'office, seul, mais comme si nous étions un vrai mynian. Cet office chanté du vendredi soir et ce kaddich récité dans l’obscurité d’une cellule de prison étaient bouleversants." Témoignage de Paul Roitman

Miraculeusement sauvé, juste avant son transfert à Drancy, grâce à l’ingéniosité de son jeune frère Léon, il est officiellement libéré et arrive à Toulouse à la veille de Pourim 1943. La situation se dégrade rapidement après l’occupation de la zone libre par les Allemands, et le groupe des Résistants s’enfuit à Grenoble, en zone italienne. Là, Roitman reprend ses activités d’éducation, sous la direction du rabbin René Kapel, en tant qu’aumônier auxiliaire pour la région de l’Isère et de la Savoie.


Durant l'internement de Paul Roitman, le Brith Hanoar avait cessé toute activité. Il n'était plus question, cette fois, de reconstituer un Brith Hanoar indépendant. La situation exigeait le rassemblement de toutes les forces vives pour le sauvetage physique du peuple juif [...]. En 1943, au sein du M.J.S de Grenoble, le Brith Hanoar continua de collaborer à l'action de la Résistance, et se spécialisa dans le service des faux papiers. Tous avaient conscience que le régime privilégié propre à la zone italienne ne tiendrait pas longtemps [...].


Grenoble et Castres

« Les fêtes de Tichri (automne 43) nous trouvèrent tous à Grenoble, munis de faux papiers. René Kapel, André Kalnaï et moi-même avions décidé de réunir un mynian clandestin pour Roch Hachana et Yom Kippour. Le Père Vermorel, supérieur d’un séminaire catholique de la ville, avait accepté de nous recevoir, et mis deux grandes salles à notre disposition. En outre, il proposa de surveiller lui-même les abords de l’établissement, afin d’éviter toute « incursion fâcheuse ». […] Kippour fut une journée particulièrement émouvante : tandis que Théo Klein et moi-même nous relayions comme ministres officiants, une centaine de jeunes du M.J.S., des E.I. et même du Hachomer Hatzaïr participèrent à l’office, sans en bouger jusqu’au soir. Les non-religieux voulurent jeûner avec les autres pour manifester leur solidarité. Le sentiment juif l’emportait sur toutes les dissensions idéologiques. »


Sortie avec les jeunes de Toulouse pendant la guerre.
Castres
Castres 1944

Après les fêtes, la situation devint dramatique à Grenoble. Les nazis étaient de plus en plus acharnés, cherchant à briser la Résistance française, qui s'était considérablement développée.

Le petit groupe décide donc de quitter Grenoble, cette fois-ci pour Castres, où Paul et ses amis resteront cachés jusqu’à la fin de la guerre. Ils prennent en charge le service des faux papiers et le contact avec les maquis du département du Tarn. Aux côtés de Paul, sa fiancée Léa Schleider sillonne la région en transportant des centaines de fausses cartes à l’intention des juifs cachés. Les actions de secours se multiplient ainsi jusqu'à la fin de la guerre, avec leur cortège de difficultés de d'angoisses, d'arrestations et de déportations.

A la Libération, en 1945, Paul et Léa se marient à Toulouse.


Documents officiels de la Résistance

https://drive.google.com/drive/folders/1ohI9aDvCBUrD4iv7vAh1Tk3kRReKlxXT?usp=sharing

En savoir plus

Bibliographie

- David Knout, La Résistance Juive en France, Paris, Ed. du Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC), 1947.

- Claude Vigée, La lune d’hiver, Paris, Flammarion, 1970, p. 49-72.

Liens externes

- http://www.ajpn.org/personne-Rojtman-Lea-2315.html
- http://www.ajpn.org/personne-Rojtman-Paul-3198.html