Les débuts: Le Brith Hanoar (1935-1945)

En 1935, Paul Roitman a quinze ans. Il se lance dans la bataille avec la sincérité et l'obstination qui le caractérisent. Sous son impulsion, l'aventure du Bné Akiba prend une nouvelle ampleur. Peu à peu, elle s'étendra à tout le continent, et jusqu'en Afrique du Nord.

L'action de Roitman

En 1935, il n'existait en France qu'un petit noyau du Brith Hanoar Hamizra'hi, formé à Strasbourg deux ans plus tôt sous l'impulsion du jeune Moché Scheinbach. Au mois de janvier, un délégué du Ba'had à la hakhchara de Guertwiller (près de Barr) prit l'initiative de constituer à Metz une section du Brith Hanoar Hamizra'hi, avec une dizaine d'adolescents. Paul Roitman, alors âgé de 15 ans, fut spontanément désigné comme le chef du groupe.

"Le premier souci était de trouver un lieu de réunion et les adolescents n’avaient pas le sou. Ils imaginèrent alors de s’adresser à des adultes de leur entourage, en leur offrant de devenir membres d’honneur du Brith Hanoar, moyennant une cotisation annuelle. « Ils parvinrent ainsi à toucher le cœur (et la bourse) d’une quinzaine de sympathisants, et à louer un (bien modeste) local : « Il s’agissait d’une pièce dans l’arrière-boutique d’un petit commerce de volailles, chez Mme Baylé. Celle-ci laissait échapper, de temps à autre, quelques poulets désireux de participer aux activités, en attendant le cho’het. » " Les débuts du Bné Akiba, p. 22

Ces débuts difficiles contribuèrent à cristalliser la kvoutza, qui devait par la suite devenir la première force du Mouvement. Les activités se multiplièrent rapidement. Dès la fin 1935, plusieurs groupes de « petits » se formèrent, accueillant les enfants de 12 à 14 ans. Mais le principal effort de recrutement porta sur le lycée, auprès des élèves des classes supérieures. Ceux-ci, de manière générale, n’écrivaient pas le chabbat, mais ils étaient tenus à une présence obligatoire en cours, ce qui les empêchait souvent d'assister à l'oneg. Parmi les activités les plus propices aux rencontres et aux échanges avec l'extérieur, on comptait le travail de soutien au KKL et la vente de ses timbres.

"Nous n'étions pas toujours très bien reçus, surtout dans certains magasins juifs, mais dans l'ensemble les recettes étaient bonnes. Nous avons eu droit aux félicitations du commissaire du KKL, M. Engelstein, et nous avons commencé à faire parler de nous dans la communauté." Témoignage de Paul Roitman

Dans la capitale alsacienne, le rayonnement du Mizra'hi s'était trouvé renforcé par une personnalité de premier plan, celle du rabbin Runès. La communauté y étant beaucoup plus importante qu'à Metz, le Mizra'hi jouissait d'une assez large influence, et le Brith Hanoar s'y développa plus rapidement – comme firent d'ailleurs la plupart des mouvements de jeunesse de la ville.


"Avant la guerre il n’y avait ni chli’him ni permanents locaux. Chaque section devait ériger ses propres structures ; les snifim étaient pratiquement autonomes…Ainsi ce n’est qu’au début de 1936 que nous avons appris l’existence du Brith Hanoar Hamizra’hi de Strasbourg et que nous avons pris contact avec eux." Les débuts du Bné Akiba, p. 24 - Témoignage de Paul Roitman
Le premier camp

En 1937, les deux snifim convinrent d’organiser pour l’été un premier camp régional à Haberacker, couvrant l’Est de la France. Un programme commun fut élaboré, et la direction du ma’hané confiée aux deux jeunes leaders, Moché Scheinbach et Paul Roitman. Le camp eut lieu comme prévu au mois d'août 1937 dans la maison forestière d'Haberacker – à une dizaine de kilomètres de Saverne. Il dura trois semaines et compta environ 70 ’havérim : 25 de Metz (dont deux Forbachois), 35 de Strasbourg, plus un renfort d'une dizaine de jeunes originaires de Belfort. Il existait en effet à Belfort un groupe local créé par le rabbin René Kapel, qui, sous une étiquette différente (le Ma’hané Yehouda), s'identifiait idéologiquement au Brith Hanoar. Le groupe demanda à participer au camp d'été et fut rapidement considéré comme le troisième snif du jeune Mouvement.

A la fin 1937, celui-ci comprend déjà 5 snifim, et commence à faire parler de lui. Un an plus tard, en décembre 1938, la situation est mûre pour un congrès indépendant : ce sera la première réunion générale de la Jeunesse mizra’histe pour l’Est de la France et le Luxembourg. Le nombre total de membres inscrits, tous snifim confondus, s’élève à près de 400 havérim. Paul Roitman est élu secrétaire général de l’organisation.

Sur le plan idéologique, cette rencontre permet de mieux préciser la ligne générale du Mouvement : il se définit comme sioniste, ’haloutzique et religieux. Désormais, le Brith Hanoar constitue une force avec laquelle il faut compter, et que saluent les institutions sionistes et communautaires.


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Visite des Strasbourgeois à Metz, 1936. Assis au premier rang, au centre: Moché Scheinbach. Au deuxième rang, à l'extrême droite: Paul Roitman
Le premier congrès de la Jeunesse Sioniste

Dans l'intervalle, en mars 1938, s'était réuni à Paris le premier congrès de la jeunesse sioniste et pro-palestinienne de France, en présence du poète Nathan Bistricki. Ce congrès, qui devait avoir un profond retentissement sur le judaïsme français, offrit une image peu réconfortante de la jeunesse juive de France et de son degré d'engagement : les mouvements qui s'étaient mobilisés ne représentaient à eux tous qu'une très faible fraction de la population nationale. La délégation la plus importante fut celle des E.I.F., forts de 14 sections locales. L'ensemble des mouvements sionistes non religieux représentait 19 snifim, répartis sur tout le territoire français. Le Brith Hanoar, lui, avait nommé Paul Roitman délégué des cinq snifim de l'Est. Son voyage avait été financé par la Ligue de Metz qui lui demandait, en contrepartie, un rapport détaillé à son retour. On comptait, enfin, un délégué des Tzeïré Mizra'hi de Paris (18-30 ans).

Un comité central se constitua, appelé à coordonner les activités futures. En aout 1939 se tint à La Hoube, en Moselle, le troisième camp du Brith Hanoar. Moché Scheinbach venait de recevoir un certificat d’émigration pour la Palestine, et Paul Roitman fut donc pressenti pour en assurer seul la direction. Léo Cohn, éducateur d’exception, vient l’épauler pour quelques jours. Les jeunes se quittent vers la fin du mois d’août, alors que plane déjà la menace de guerre.


La guerre (1939-1945)

Réfugiés en zone libre, les havérim du Brith Hanoar se regrouperont principalement à Toulouse et à Grenoble. Formant le noyau de l’Armée Juive, la première organisation de Résistance Juive, ils continueront d’être actifs durant toute la guerre.
Voir onglet Résistance.